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Une histoire compliquée entre Big Tobacco et la cigarette électronique

Une histoire compliquée entre Big Tobacco et la cigarette électronique

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Ayant fait son apparition sur le marché, il y a à peine deux décennies, la cigarette électronique a suscité beaucoup d’engouement dans le monde. En quelques années, de nouveaux entrants ont surgi sur ce segment, prenant des positions fortes. Dans l’industrie du tabac, elle a été perçue comme le prochain virage qui permettrait à l’industrie de se diversifier. Mais avec la montée de l’inquiétude sur les impacts du produit sur la santé publique sur ces deux dernières années, le doute plane désormais sur les perspectives du secteur. Eclairage.

Encore appelée e-cigarette ou « vapoteuse », la

cigarette électronique

fait partie des systèmes électroniques de distribution de nicotine (ENDS) ou inhalateurs électroniques de nicotine, dont elle est le prototype le plus connu dans le monde.

Contrairement à la cigarette conventionnelle, elle n’utilise pas de feuilles de tabac. Le dispositif intègre plutôt un liquide, contenant la nicotine (principal constituant du tabac) ou non, qui est vaporisé pour produire un aérosol inhalé par l’utilisateur.

D’après l’OMS, on trouve 500 marques de cigarettes électroniques sur le marché mondial. D’une marque à l’autre, les caractéristiques des cigarettes électroniques sont très différentes, prenant la forme de leurs homologues conventionnels comme la pipe, la cigarette classique, le narguilé ou parfois d’autres objets du quotidien comme les stylos à bille ou encore des clés USB.

Une progression fulgurante

Entrée sur le marché mondial, il y a plus d’une dizaine d’années, la cigarette électronique a connu une progression en fanfare. Se vantant d’être une « alternative » moins toxique aux produits de tabac traditionnels qui tuent chaque année 8 millions de personnes dans le monde, l’industrie a conquis le public.

D’après le cabinet international d'études de marché, Euromonitor, l’industrie des produits de vapotage a représenté 40,6 milliards $ de ventes au détail en 2018. Si ce niveau reste largement inférieur à celui du marché des cigarettes traditionnelles évalué à 713,7 milliards $, le dynamisme ne se dément pas.

En effet, les ventes au détail avaient augmenté de 35 % entre 2017 et 2018 au moment où les cigarettes classiques enregistraient une progression de 3,1 %. Le nombre de personnes ayant adopté le principe du

vapotage

a aussi augmenté, passant de 7 millions de personnes en 2011 à 35 millions de personnes en 2016. L’une des principales locomotives de cette croissance se situe aux USA et a un nom : Juul Labs.

La compagnie créée en 2007 à San Francisco en Californie a lancé sa marque éponyme en 2015. Avec ses produits en forme de clés USB, leurs arômes fruités (mangue, concombre, menthe), ainsi que son marketing efficace sur les réseaux sociaux, la compagnie a rapidement gagné en popularité auprès des jeunes.

Selon l’Agence américaine de réglementation des médicaments et des aliments (FDA), 3,6 millions de lycéens et collégiens ont été des consommateurs réguliers en 2018, soit un bond de 75% en un an.

Un autre rapport des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC), publié le 21 août 2020, note que l’utilisation de la cigarette électronique a plus que doublé chez les lycéens américains, passant de 13,2% en 2017 à 32,7% en 2019.

Sur le plan financier, la compagnie a affiché des chiffres affolants. Entre 2016 et 2017, ses ventes ont augmenté de 600 % passant de 2,2 millions d’unités à 16,2 millions d’unités.

En l’intervalle de trois ans, elle a représenté 70 % du marché des e-cigarettes aux USA, réalisant un chiffre d’affaires de 2 milliards $ en 2018. Sur le plan mondial, la compagnie a aussi gagné en notoriété et représente le premier acteur mondial, selon Euromonitor.

L’industrie du tabac classique n’est pas restée en marge du développement du marché de la cigarette électronique, y voyant un moyen de réduire l’érosion des ventes, liée à la pression accrue de l’OMS. Déjà en 2013, British American Tobacco (BAT) avait lancé Vype, sa cigarette électronique jetable au Royaume-Uni.

Deux ans plus tard, c’était au tour de Philip Morris International (PMI) de proposer l’Iqos (« I quit ordinary smoking »), un appareil électronique sans fumée qui chauffe du tabac au lieu de le brûler.

Séduit par le potentiel de

Juul

, Altria distributeur de la marque Marlboro, aux USA, a pour sa part déboursé 13 milliards $ pour acquérir 35 % de son capital en décembre 2018, valorisant la compagnie à 38 milliards $.

Altria et Philip Morris ont d’ailleurs entamé des négociations pour former une nouvelle entité afin de fédérer leurs activités dans les cigarettes électroniques, dix ans après leur divorce. Mais alors même que les acteurs misaient sur un fort développement de l’industrie, les nuages s’accumulaient au-dessus de leurs têtes…

La descente aux enfers

Ayant bâti sa réputation avec un marketing inspirant un certain niveau de sécurité auprès du public, l’industrie des produits de vapotage a été profondément bouleversée sur le dernier trimestre de 2019.

début d’août comme « incontestablement nocive et devant faire l’objet d'une régulation », tout en reconnaissant que les risques à long terme - qui lui sont associés - restent méconnus.

L’organisme a également affiché son scepticisme quant à son efficacité pour sevrer les fumeurs et redoutait que les adolescents ne deviennent dépendants à la nicotine.

« Ce que dit l'OMS, c'est : ne laissez pas les non-fumeurs acheter ces produits. Protégez vos enfants. Parce que la cigarette électronique va créer une dépendance à la nicotine. Et les cigarettiers pourront alors leur proposer de nouveaux produits », a confié à Radio France Internationale (RFI), Vinayak Prasad, responsable du programme anti-tabac de l’OMS.

Ce pavé dans la mare de l’industrie a suscité une vague de réactions. Certaines organisations de vapotage ont dénoncé le rapport qui « condamne la filière sans tenir compte de ses avantages ». D’autres ont déploré le fait qu’il ignore l’absence dans la cigarette électronique de substances chimiques cancérigènes et toxiques qui sont présentes dans la fumée de tabac, comme les goudrons ou le monoxyde de carbone.

Alors que le débat fait rage, une nouvelle alerte lancée dans la même période par les CDC, concernant la survenue de pathologies pulmonaires sévères chez les

vapoteurs

aux USA, va doucher l'enthousiasme de l’industrie.

Cette alerte prend des allures de crise sanitaire, quelques mois plus tard, avec plus de 2500 personnes présentant des lésions pulmonaires associées à l’utilisation des produits de vapotage et la mort de 54 personnes, en décembre 2019.

Si Juul n’a pas été explicitement pointée du doigt, cet épisode a conduit nombre d’Etats américains (Californie, New York, Michigan et Massachusetts, entre autres) à interdire ou imposer des restrictions sur la cigarette électronique. Certaines chaînes de distribution comme Walmart ont annoncé dans la foulée la fin de la commercialisation d’e-cigarettes dans leurs magasins.

A l’international, les pouvoirs publics ont aussi pris leur distance par rapport aux produits de vapotage. En Chine, les produits ne sont plus proposés sur les sites de commerce en ligne chinois comme Alibaba et JD. L’Inde a interdit la totalité des e-cigarettes « au nom de la santé publique et de la lutte contre les addictions ». Un coup dur pour Juul qui tentait de s’implanter durablement en Asie où 65 % des cigarettes traditionnelles sont écoulées.

Aujourd’hui, plus de 28 pays ont interdit les ventes de cigarettes électroniques, dont le Brésil, l’Inde, la Turquie et l’Ouganda. En Europe, les autorités ont opté pour un encadrement plus strict, en tolérant un taux de nicotine deux fois moins élevé que celui proposé aux USA.

Des perspectives incertaines

Aujourd’hui, la phase de conquête express semble terminée pour la cigarette électronique. Aux USA, l'un des berceaux de l'industrie, le scandale a écorné sa réputation et Juul, l’un de ses pionniers, subit une intense pression.

Les autorités lui reprochent un marketing agressif qui lui a permis de financer des programmes dits d’information pour « éduquer » les jeunes au vapotage. La FDA lui reproche également d’avoir mis en avant la moindre nocivité de ses produits, comparativement aux cigarettes classiques sans attendre des preuves formelles.

Elle reste sous la menace de l’interdiction au niveau fédéral des cigarettes électroniques aromatisées, prisées des adolescents qui ont fait ses beaux jours.

Fragilisée par cette situation, la compagnie a dû faire plusieurs concessions. Elle, qui n’a d’ailleurs jamais reçu l’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités sanitaires, a arrêté la vente des recharges parfumées et a suspendu ses opérations de publicité et de lobbying aux USA.

« J’ai toujours imaginé un futur où les adultes fumeurs choisissent massivement des produits alternatifs comme Juul. Mais malheureusement, ce futur est en péril en raison des niveaux inacceptables de l’utilisation par les jeunes et l’érosion de la confiance du public dans notre industrie », regrette K. C. Crosthwaite, PDG de Juul.

Du côté de l’industrie traditionnelle du tabac, la crise a eu aussi des conséquences. Le 25 septembre, Altria et PMI ont annoncé l’abandon de leur remariage qui n’était plus jugé pertinent, dans le contexte de pression accrue sur les produits de vapotage. Ce rapprochement aurait donné un géant valorisé à 200 milliards $, qui réaliserait un chiffre d’affaires global de 55 milliards $ par an.

« L’industrie du tabac adopte la même approche depuis longtemps. Elle ne panique pas et mise sur le long terme. Leurs investissements dans la cigarette électronique sont une couverture parfaite pour leurs activités. Si la cigarette électronique échoue, il va de soi que les personnes reviendront à la cigarette traditionnelle. Mais si cela marche bien, ils pourront en profiter », estime Ken Shea, analyste de Bloomberg Intelligence.

Si avec la pression des autorités américaines, l’avenir de l’industrie du tabac pourrait ne pas passer par la cigarette électronique, certains estiment en revanche que le futur des e-cigarettes pourrait bien dépendre de l’industrie. Et pour cause. Malgré cette passe difficile, les majors continuent leurs projets dans la cigarette électronique. Altria devrait ainsi commercialiser, aux USA, l’

IQOS

qui a le feu vert de la FDA depuis fin avril 2019. Pour sa part, PMI devrait poursuivre son aventure à l’international. Le leader mondial du tabac a d’ailleurs publié, en janvier dernier, un rapport baptisé « Désenfume ton esprit : Réponses pragmatiques à des questions difficiles pour parvenir à un avenir sans tabac », dans lequel elle énonce en 5 questions, la manière dont elle compte « bâtir un futur sans fumée ». Moins d’un an plus tôt, elle avait lancé une campagne voulant rebaptiser la Journée mondiale sans tabac de l’OMS comme la « Journée mondiale sans fumée », mettant en lumière sa ligne de produits électroniques de tabac à chauffer et « à risques potentiellement réduits ». L’industrie du tabac n’a pas encore dit son dernier mot…

Source : Agence Ecofin




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October 1, 2020 at 07:05AM

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